Sunday, May 24, 2009

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Friday, May 22, 2009

Hommage tardif à Abdelkébir Khatibi ( l'Intellectuel global)

Je ne le connais pas bien, je n'ai pas pu encore. Je n'ai pas su prendre le temps. Il est déjà parti.
Voici un article sur sa vie que je viens de retrouver dans Babelmed.net (Il est signé Yassin Temlali).

S’il était besoin de mots pour qualifier le regretté Abdelkebir Khatibi, ce seraient : «intellectuel global». Entré dans le monde de la littérature par un roman, «La mémoire tatouée» (1971), il n’a pas tardé à révéler d’autres talents authentiques : celui de critique littéraire («Le roman magrébin», 1979 et «Figures de l'étranger dans la littérature française», 1987) ; d’historien de l’art («L’art calligraphique de l’Islam», 1994 et «l’art contemporain arabe, 2002) ; et enfin, de chercheur en sciences sociales qui, à l’écart des sentiers battus, s’est intéressé aussi bien à son pays, le Maroc («La civilisation marocaine», 1996), qu’au Maghreb dans son ensemble («Penser le Maghreb», 1993).
Abdelkébir Khatibi n’a jamais distingué ces disciplines artificiellement, pour le simple plaisir de rallonger la liste de ses «qualifications». Elles ne constituaient pas pour lui des univers étanches, séparés les uns des autres par l’épais voile de lexiques aussi spécialisés que souvent abscons. Traversant leurs frontières avec aisance, il ne s’est défini ni comme romancier ni comme critique ni comme sociologue : «Je migre dans [une] constellation d'affinités actives avec les scientifiques, les penseurs et les artistes. Je fais mon travail, c'est-à-dire la transfiguration de mon expérience en un chemin initiatique.» («L’intellectuel et le mondialisme»).
Pour Khatibi, la pensée était une,...


en ce qu’elle a pour objet invariable le monde et l’humain dans leur déroutante complexité. En plus, l’entreprise d’intelligence du Maroc, du Maghreb et du monde arabe recommandait une rigoureuse interdisciplinarité. La sociologie était ainsi mise au service de la critique littéraire et l’étude des motifs berbères au service d’une sociologie marocaine et maghrébine… La philosophie cessait, quant à elle, d’être une réflexion tournant dans le vide sidéral des concepts transcendantaux ; elle devenait un outil d’intelligence des questions d’histoire et de politique.
Ce refus du dogmatisme disciplinaire a eu une éclatante manifestation dans les travaux sociologiques de Khatibi, rares mais originaux. On n’y trouve pas trace de cet académisme rébarbatif qui leur aurait valu les éloges des spécialistes mais aurait limité leur utilité pour d’autres domaines des sciences humaines. Comme Bourdieu, Khatibi faisait descendre la sociologie de son piédestal, l’employant à étudier, en tant que problèmes concrets et pour ainsi dire «politiques», des thèmes comme l’identité ou l’altérité, relevant traditionnellement de la pure métaphysique. Réciproquement, comme dans son essai «L’homme-bombe» (publié dans «Le corps oriental»), un thème politique comme les attentats kamikaze était examiné à la lumière de la psychanalyse, s’éclairant ainsi d’un jour nouveau.
La méfiance envers les évidences était le plus fidèle compagnon de Khatibi. Méfiance envers les doctrines philosophiques, à l’universalisme illusoire, et envers les «acquis» présumés des sciences humaines, ces sciences étant le produit d’histoires épistémologiques particulières. La critique devait porter sur l’objet de l’étude mais elle ne devait pas épargner les instruments de l’étude eux-mêmes.
Ecrivant à une époque d’interrogations fondamentales sur l’identité et le rapport à «l’autre», l’ancien colonisateur, Khatibi ne s’est pas contenté de la critique du legs colonial. Il a préconisé une «double critique» : de la présumée universalité de la culture européenne et du monolithisme de la «culture arabe officielle», rigidifiée par des siècles de littéralisme. Sur le traditionalisme identitaire, il avait un jugement sans appel : «Il n'est pas la tradition : il est son oubli et en tant qu'oubli, il fixe l'ontologie à ce dogme : primauté d'un Etant (Dieu) immuable et éternel, invisible et absent.» Ce rejet du traditionalisme lui faisait rejeter tout patriotisme intellectuel. «J'appartiens à un pays magnifique […] Je lui dois ma naissance, mon nom, mon identité initiale. Je lui dois mon histoire, sauf le récit de ma liberté d'esprit, celle d'avoir à inventer un espace et une relation de dialogue avec n'importe quel être venant vers moi», écrivait-il dans «L’intellectuel et le mondialisme».

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