Un enseignement qui occulte les progrès accomplis en Occident ne peut déboucher que sur le fanatisme, rappelle l’intellectuel saoudien Jamal Khashoggi. Car “on finit par détester ce que l’on ne comprend pas”.
Notre enseignement de l’histoire produit des élèves qui ne connaissent rien du monde dans lequel ils vivent. Ils entrent à l’université sans avoir entendu parler des grandes transformations qui ont abouti à la modernité, dont ils consomment pourtant les produits matériels sous la forme de voitures ou de baladeurs qu’ils se mettent sur les oreilles en secouant violemment la tête. Ils n’auront pas compris que la suprématie technique de l’Occident s’explique par la révolution industrielle, et le sous-développement du monde musulman non pas par un complot occidental, mais par le fait que nous n’avons pas adopté ce modèle. De même, ils n’auront jamais entendu parler du mouvement religieux de la Réforme, qui a façonné le visage de l’Europe d’aujourd’hui. Ils ne sauront rien de l’époque des grandes découvertes, qui a bouleversé l’équilibre géostratégique entre l’Orient et l’Occident. Ils ne sauront pas grand-chose non plus de la naissance de l’idée des droits de l’homme ou de la création des organisations internationales qui gouvernent aujourd’hui le monde. Bref, nos déplorables étudiants, qui ne savent même pas à quel point ils sont déplorables, ne comprendront pas grand-chose au monde dans lequel ils vivent. Et l’on finit toujours par détester ce que l’on ne comprend pas. Beaucoup diront que j’exagère. Mais lisez les journaux, écoutez la radio et regardez la télévision : partout, vous trouverez des gens qui glosent sur l’inéluctable choc des civilisations. A titre d’exemple, je ne citerai que l’article paru récemment dans le journal [conservateur saoudien] Al-Madina : “Au cours de l’Histoire, l’Occident n’a jamais renoncé à son attitude agressive vis-à-vis de l’islam. D’une manière ou d’une autre, tout ce qu’il entreprend est une récidive de son vieux et immuable projet qu’il renouvelle, réadapte et pare de nouveaux noms au gré des circonstances : colonialisme, amitié entre les peuples, partenariat, non-prolifération des armes de destruction massive, lutte contre le terrorisme, soutien à la démocratisation… la liste est longue. Mais, en réalité, il s’agit à chaque fois du même vieux projet.”
“Des réformateurs éblouis par l’Amérique” Ce genre de déclaration est l’expression d’une doctrine que nous avons inculquée à nos enfants depuis la refonte du système scolaire nommée “rectification doctrinaire et civilisationnelle”, qui a frappé nos écoles et nos universités au milieu des années 1980 et qui a réussi à étendre son emprise depuis la guerre du Golfe [1990-1991]. Auparavant, durant les années 1970, nous autres, qui formulons aujourd’hui la critique de notre système d’enseignement, nous apprenions l’histoire européenne. Je me rappelle les discussions que nous avions avec nos professeurs à propos des ressemblances entre la réforme religieuse en Europe et chez nous. Plus tard, j’ai visité les cathédrales de Grande-Bretagne, où l’on voit encore comment les iconoclastes de la Réforme protestante ont détruit les statues des saints. Ça ne vous rappelle rien, cher lecteur ? [Allusion à l’interdiction de représenter la figure humaine dans la religion musulmane.] N’est-ce pas une parfaite illustration de la ressemblance entre les expériences historiques des peuples ? Ce sont ce genre d’exemples qui peuvent nous rendre plus enclins à nous accepter les uns les autres. Notre génération avait étudié ce qu’étudie aujourd’hui n’importe quel étudiant à travers le monde à propos des grandes civilisations et de l’histoire des peuples. Puis, soudainement, tout cela a disparu du programme. Pourquoi ? Je voudrais entendre les sommités responsables de ce changement s’expliquer là-dessus, mais je sais qu’elles ne prendront pas la peine de répondre à mes questions. Au contraire, elles persisteront à défendre les erreurs qui ont mené toute une génération à une telle ignorance. Elles considéreront toujours comme indigne d’eux de se laisser aller à polémiquer avec “cette bande de réformateurs occidentalisés qui se laissent éblouir par l’Amérique et qui constituent une cinquième colonne prête à brader notre héritage culturel”. C’est ainsi qu’ils clouent le bec à tous ceux qui oseraient s’opposer à eux. Au lieu de tomber dans le piège de la division, il vaudrait mieux que nous nous réunissions tous pour un dialogue entre étudiants, intellectuels et dirigeants économiques et politiques. Car il faudra bien répondre à la question de savoir pourquoi nos jeunes diplômés sont incapables de répondre aux besoins du marché du travail et de jouer leur rôle dans l’économie nationale.
Jamal Khashoggi
Se rafraîchir la mémoire
12 years ago
3 comments:
UNE ECOLE QUI PRECHE...MAIS AUSSI UN PAYS QUI PRECHE BP.SI SEULEMENT IL NE PRECHAIT QUE CHEZ EUX. VOIR CE QU ILS ONT ONT LAISSE EN AFGHANISTAN ET CHEZ NOUS POUR NE PAS CHERCHER LOIN.
« si elle est authentique, la volonté de comprendre les autres cultures exclut toute ambition dominatrice. Là est l’humanisme. Sinon la barbarie l’emporte » écrit Edward Said dans « l’orientalisme ».
car l'ignorance engendre la fermeture de l'esprit vers le monde,et l'augmentation du fanatisme religieu et certains pays le savent avec l'ignorance il n'y a pas de révolution possible.la culture augmente la comprehension entre les peuples, car la culture est le ciment de l'humanité.
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