Friday, September 16, 2005

"Reginaldo Ferraira de Silva - Il invente la littérature périphérique"

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Reginaldo Ferreira da Silva, dit Ferréz, 29 ans, écrivain, rappeur, provocateur. Fils d’un mécanicien et d’une employée de maison, il vit dans une favela de São Paulo. Ses romans, écrits dans un langage qui n’appartient qu’à lui, en ont fait un véritable auteur à succès au Brésil.

DE SÃO PAULO
Il est grand, gros et politiquement très incorrect, a beaucoup de charisme, est provocateur, poète… et rappeur. Il s’agit de Ferréz, 29 ans, qui vit à Capão Redonda (la favela la plus dangereuse de São Paulo) et parcourt le pays avec une énorme valise blanche. C’est un auteur à succès qui signe ses livres dans les grandes galeries commerciales ou les foires littéraires internationales, et un habitué des émissions de MTV. Cela ne l’empêche pas de continuer à vendre ses ouvrages de la main à la main en les sortant de sa valise magique. “Je suis un trafiquant de livres”, lance-t-il avec cet aplomb qui lui vaut de nouveaux fans partout où il va.
Paulo Lins, l’auteur de La Cité de Dieu (roman sorti en 1997 et adapté au cinéma par Fernando Meirelles et Katia Lund en 2002), peut dormir tranquille : il a, pour son trône de roi de la littérature marginale, un héritier digne de ce nom. Ferréz, qui n’a pas son pareil pour jongler avec les jargons malsonnants de la périphérie, est devenu un véritable phénomène mondial. A São Paulo, les gens portent des tee-shirts où s’étale sa prose. Et, comme il a la peau blanche, les critiques dont il bombarde la classe moyenne font encore plus mal. “Je vais en finir avec l’archétype du ‘Noir des favelas’. La pauvreté n’a pas de couleur”, déclare-t-il. Derrière ce parleur insolent se cache une plume contemporaine. Un calligraphe autodidacte et visionnaire, tout juste pourvu d’une éducation primaire. “Je n’ai aucune éducation littéraire. Mes plus grandes influences sont la bande dessinée, le hip-hop et la rue. Presque tous mes amis d’enfance ont été assassinés. Cela ne te suffit pas, comme formation ?” Sur un mode où se mêlent l’anecdote et l’épopée, il raconte son premier contact avec la littérature. “Je suis tombé sur une caisse pleine de livres chez un ami, dans ma favela. Personne ne savait ce qu’elle faisait là. J’ai commencé à lire en choisissant les ouvrages en fonction du dessin de la couverture.” C’est ainsi qu’il fait connaissance avec Herman Hesse (sa grande idole littéraire), Flaubert, John Fante et Charles Bukowski.
L’hétérogénéité de ses sources d’inspiration explique sans doute que les tableaux des favelas de São Paulo que brosse Ferréz dans ses deux romans, Capão pecado (éd. Labortexto, 2000) et Manual prático do odio (Editora Objetiva, 2003), soient à la fois sordides et empreints de lyrisme. Mais aussi de fraîcheur : les dialogues sont vivants et crédibles. “Je voulais faire une littérature qui parle de nous, de la zone Sud – une réalité que peu de gens connaissent”, souligne Ferréz. Sa façon de s’exprimer, en employant une giria (jargon) qui ne figure dans aucun dictionnaire, révèle une personnalité forgée dans des sous-sols urbains pestilentiels. “Dans mon quartier, le mot le plus vulgaire qu’on puisse prononcer est ‘chômage’”, précise-t-il. Ferréz, fervent promoteur du rap, a écrit des chansons pour des groupes aussi populaires que Facação, Central, Realidade urbana et Conceito moral. Il s’essaie également à ce que certains ont qualifié de “poésie hip-hop” – des vers incendiaires sur le quotidien de la périphérie, cuisinés aux rythmes de rap. Son album Determinação, auquel ont participé Chico César et Arnaldo Antunes, résume ses expérimentations littéraires et musicales. “Je pense que le hip-hop joue dans notre société le même rôle que les conteurs en Afrique ou en Asie. C’est une nouvelle forme de communication orale”, estime-t-il. Notre écrivain est un ennemi déclaré de la “musique populaire brésilienne”, connue au Brésil sous le nom de MPB. “J’en ai assez que l’on associe le rap à la violence”, poursuit-il. Fait-il de la littérature marginale ? “Marginale ? Je n’aime pas cette étiquette, répond-il. J’ai l’impression qu’au Brésil c’est plutôt l’élite, qui se déplace avec des gardes du corps dans des voitures blindées, qui est marginalisée. Je préfère parler de littérature périphérique.”
Bernardo Gutiérrez
source:La Vanguardia
Post du 14Mai2005
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